La sape congolaise en quelques dates…
Sape, sapeurs, sapologie !
L’espace public est leur podium, les passants sont leur public.
Beaucoup estimeront qu’il s’agit d’un simple sujet de divertissement tandis que pour d’autres, l’affaire est plus sérieuse qu’il n’y paraît et s’inscrit dans la grande histoire du vêtement et de la mode.
Manuel Charpy, historien et enseignant-chercheur du CNRS, évoque l’idée d’un nœud gordien mythologique, soit un problème apparemment insoluble mais finalement résolu par une action radicale : le détournement des codes sociaux par le vêtement.
La sapologie aurait déjà une longue histoire que Manuel Charpy, sur la base d’écrits et récits de voyages datés des années 1860 à 1880, lie au commerce de la fripe européenne en Afrique de l’ouest puis en Afrique centrale : vêtements usés, feutres, redingotes, anciens uniformes de soldats…
Les subsahariens s’emparent alors du vestiaire occidental en s’affranchissant des codes vestimentaires d’usage. Peu à peu, les moqueries laissent place à l’inquiétude face cette singulière élégance jugée irrévérencieuse.
Au début du 20-ème siècle, c’est André Matswa, leader d’une association politique anticolonialiste fondée dans les années 1920, qui est cité en référence par de nombreux sapeurs pour sa grande élégance dans son costume de tirailleur qu’il n’a pas quitté à son retour à la vie civile afin de conserver le statut conféré par l’uniforme.
A partir des années 1960 -1970, postindépendance, de plus en plus de congolais émigrent, particulièrement vers la France, vers Paris.
C’est durant cette période que la SAPE, acronyme désignant la Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes, les sapeurs qui en sont les membres, et la sapologie qui est le mouvement culturel qui en découle, deviennent de plus en plus visibles.
Justin Daniel Gandoulou, sociologue, décrit avec précision ce phénomène de la Sape à Brazzaville et à Paris notamment dans un essai Entre Paris et Bacongo (1984).
Les sapeurs du Congo-Brazzaville séduisent particulièrement les photographes, ainsi plusieurs ouvrages photographiques paraissent tel que Gentleman of Bacongo (2009) par Daniele Tamagni, préfacé par le designer britannique Paul Smith.
C’est d’ailleurs le costume rose et chapeau melon en couverture de Gentlemen of Bacongo que Paul Smith reprend pour ouvrir son défilé inspiré par les sapeurs, collection Printemps- Eté 2010 à Londres.
En 2020, le photographe Tariq Zaidi publie Sapeurs – Ladies and Gentlemen of the Congo.
Du 24 juin au 23 octobre 2022, le photographe Baudouin Mouanda présente une série de clichés de sapeurs que l’on peut admirer au sein du réseau de métro parisien et RER Île-de-France, dans le cadre de l’exposition « Regards du Grand Paris ».